Analepse sur le Marengo…
Si une cuvée se devait bien d’être présentée au Marengo (Marseille 6), ce bar de quartier devenu bistrot ou bistroquet comme se plaisent à le nommer certains, c’est bien Analepse du Domaine Les Terres Promises… Ca fait sens effectivement pour ceux qui connaissent le lieu ou plutôt son concept. C’est dans cet univers « rétro » que nous proposions ce vendredi 18 mai de venir découvrir les 2011 de Jean-Christophe Comor, vigneron installé à La Roquebrussane, dans le Var, depuis le début des années 2000…`
Fait du hasard ou pas, chemin faisant, c’est sur celui de la Persévérance que ce dernier a trouvé les quelques hectares qui allaient donner un nouveau sens à sa vie… Parce qu’il venait d’un monde à mille lieux de la terre et de ses valeurs, il s’est dés le départ attaché à conduire ses quelques treize hectares de vignes en agriculture biologique, d’abord sans, puis avec le label… Même approche dans le chai, où le raisin devient vin sous l’action de ses propres levures (dites indigènes). Un des trop rares à ne pas bloquer les fermentations malolactiques sur ses rosés ou vinifier sans intrant dans notre chère Provence…
En jouant sur les modes de vinification, il réussit à exprimer le meilleur de ses raisins en nous gratifiant par exemple d’un pur carignan qui réconcilie les plus sceptiques avec ce cépage ancestral. De même, en assemblant carignan et mourvèdre, deux raisins réputés pour leur austérité et leur dureté, il bouleverse les idées reçues en apportant une autre lecture de ces deux grands cépages qu’au départ tout sépare. Et à en juger par la mine réjouie de tous ceux qui ont accepté de délaisser leur demi ou pire leur pastis, le temps d’une courte pause, essayer Au Hasard et Souvent c’est l’adopter! Nul doute que le jus ne doit rien au hasard, de là à imaginer que l’auteur prévoyait qu’on y revienne si souvent…
Très bel accueil également réservé aux arômes naturels du rosé L’apostrophe ou encore du blanc à bouche que veux tu. Deux vins très à leur aise sur une cuisine méditéranéenne précédée d’un long apéro…Tandis qu’Analepse, subtil mélange de Carignan blanc et Clairette, affiche une bouche encore un peu serrée, vive et pleine de fraîcheur certes mais qui mérite de se détendre un peu et gagner en volume pour donner la pleine dimension de sa structure. Retour sur les rouges et ce 2011 qui semble si bien aller à l’antidote élixir de fruits rouges si aérien qu’on en oublie la présence de tanins et, plus étonnant, sa composition: 100% carignan! Un régal pour des papilles averties, une saveur et texture déroutantes pour les non initiés qui se reconnaîssent davantage dans la structure de l’Alibi 11 (grenache/syrah) ou de l’Abracadabrantesque 2010 en grande forme!
L’Analepse nous renvoie souvent bien plus loin qu’on l’imagine, à la rencontre de ses vins d’autrefois, bien avant l’avénement de la chimie dans les vignes et dans les chais. L’héritage qui coule dans nos veines en somme et non les breuvages des trente glorieuses dont nous quadra sommes faits… Alors l’antidote en réponse à ce poison qui se répand sans complexe dans nos champs depuis des décénnies, érradiquant toute vie sur son passage? Au nom du progrès, du rendement, mais surtout de la folie de l’homme dans sa quête de toute puissance: tout contrôler y compris la matière! A bouche que veux tu? Certainement pas un concentré de pesticides au goût insipide! Le vin, c’est un trait d’union entre Terre et Homme nous rappelle l’apostrophe qui revendique son identité propre en faisant le lien entre le rouge et le blanc… Pas besoin d’alibi ce soir-là pour toucher le vin du doigt, même si sa structure semblait rassurer les palais les plus formatés, comprendre « éduqués ». Et de montrer une autre voie possible que celles toutes tracées par les schémas éducatifs dont une grande part d’entre nous peine à se dépétrer pour vivre libre…